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La culture, de la dynamique à la politique


C’est l’an 20 après 2000 et la révolution a 9 ans ! Les événements culturels et les festivals fourmillent, la culture semble bien se porter, mais il manque la cohérence…


Avec près de 300 festivals, des Journées de Carthage qui se suivent et un cinéma qui marque sa présence dans des festivals de renom, la culture semble bomber le torse. C’est du presque parfait côté chiffres et événements quand on pense qu’en 2011,de nombreux artistes étaient déjà attaqués, des vernissages d’expos saccagés, des pièces de théâtre empêchées d’être jouées… Et à notre sens, il conviendrait de le rappeler ne serait-ce que pour mesurer les menaces qui pèsent toujours sur le secteur… peut-être d’une manière beaucoup plus pernicieuse. A cette époque, nous citerons le sac de la Abdellia, et du cinemaAfricart, les agressions du cinéaste Nouri Bouzid, des hommes et des femmes de théâtre devant le Théâtre municipal, dont Raja Ben Ammar. D’autres grands noms comme Abdelawaheb Meddeb et Mohamed Driss ont été accusés de complaisance avec l’ancien régime et ont dû quitter le pays la mort dans l’âme. Une sorte de purge, d’intimidation et de mise en garde des groupuscules obscurantistes pour qui la culture est une machine à fabriquer des mécréants. Quelques années après cette infusion de menaces et un repli stratégique de ses auteurs, les choses semblent avoir changé et nous sommes entrés dans une succession de ministres qui ont bien compris qu’il faut faire dans la dynamique artistique. Soit !

Indépendamment du nombre de festivals qui a augmenté, dont des festivals qui expriment une liberté de penser et d’être (comme Mawjoudine et Chouftouhonna), il serait important de mentionner (et c’est à l’honneur de notre culture et de ceux qui la font) la percée du cinéma tunisien et sa présence dans des festivals de renommée. La création du Cnci par l’Etat a constitué un grand tournant dans le septième art d’autant plus que cet organisme a œuvré pour changer des lois qui ont donné le coup de pouce nécessaire à cet essor. Les salles privées, en améliorant les conditions de projections, ont également créé cette tradition du spectacle sur grand écran. Ce bilan s’achève avec l’ouverture des salles Pathé dans les centres commerciaux périphériques, qui ont détecté un grand potentiel commercial chez les Tunisiens et ont investi des sommes considérables sur ce principe. L’autre grand acquis de cette presque décennie est la Cinémathèque tunisienne (initialement un projet de la société civile et des professionnels du secteur) aujourd’hui récupérée et placée sous la tutelle du Cnci qui a réussi la difficile mission de conserver et restaurer une grande partie de la mémoire audiovisuelle.

L’autre grand tournant à mentionner est l’ouverture de la Cité de la culture. Une cité qui a tout « monopolisé » pour certains, mais force est de croire qu’elle a également créé ses propres pôles (Dar Erriwaya, Musée de l’art Moderne et l’Opéra). Notons que pour la première fois, depuis la fermeture du Centre national de la danse à Borj Louzir (1990-1996), on assiste à la création d’un pôle de la danse et on croit savoir que c’est le seul lieu de formation étatique pour cet art. Une cité qui constitue le modèle de cette dynamique artistique réussie somme toute et vue sous cet angle. Mais la culture est-elle uniquement une dynamique artistique ? A notre sens, le talon d’Achille de la culture en Tunisie c’est qu’elle fait justement et uniquement dans la dynamique sans que celle-ci soit associée, harmonisée et fondue avec une dynamique anthropologique et sociale. Le travail entre la culture, l’éducation nationale et les médias est presque totalement absent, ou n’est pas intrinsèque au fait culturel.

Il ne suffit pas d’enseigner le dessin ou la musique à l’école, d’aucuns pensent qu’il faut enseigner l’éducation à la culture pour faire prendre conscience aux jeunes de l’importance de «ce qui reste lorsqu’on a tout oublié» selon la formule de Emile Henriot, mais aussi de leur inculquer le fait que la culture construit l’identité. C’est là que réside peut-être la réponse à ces questions : pourquoi la Cité de la culture attire-t-elle toujours le même public constitué essentiellement d’adultes qu’on ne retrouve pas dans les périphéries? Pourquoi avec tant de festivals et d’activités culturelles, il y a tant de violences verbales, d’incivismes et de manque de communication dans le pays ? Pourquoi le taux d’abandon scolaire et d’illettrisme est-il en train de grimper ?

A notre humble avis,la politique artistique n’est pas la politique culturelle. Cette dernière se base sur la mise en cohérence de plusieurs piliers, dont l’éducation nationale, les médias publics et privés pour que le propos des communicateurs ne baisse pas trop bas la barre. Ente les attaques et les menaces sur l’art en 2011 et aujourd’hui, des progrès ont été certes réalisés, mais il est temps d’appliquer une politique culturelle basée sur la cohérence pour la construction d’un projet de société… L’autre débat qui secoue, aujourd’hui, le monde de la culture tourne autour de « l’idéologisation » de cette politique culturelle, aussi bien pour le théâtre que pour le cinéma, ou la musique. Que sera demain, par exemple, le contenu de nos films, surtout si la génération de cinéastes porteurs de conscience politique se réduit comme peau de chagrin?

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